Nous avons transmis nos commentaires sur les modifications réglementaires proposées par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) dans son projet d’omnibus modifiant notamment le Règlement sur les exploitations agricoles.

Voici le document transmis dans le cadre de la consultation :

 

Mont-Saint-Hilaire, le 6 avril 2023

 

Madame Maude Durand
Directrice par intérim
Bureau de stratégie législative et réglementaire
Ministère de l’Environnement, de la Lutte
contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs
900, boul. René-Lévesque Est, bureau 800
Québec (Québec) G1R 2B5

 

Objet : Règlement modifiant le Règlement sur les exploitations agricoles

 

Madame la Directrice par intérim,

Nous tenons tout d’abord à vous remercier pour l’occasion qui nous est donnée de transmettre nos commentaires pour les modifications proposées au Règlement sur les exploitations agricoles.

Viridis est une entreprise spécialisée en gestion de matières résiduelles fertilisantes, organiques ou minérales. Elle offre un service sur mesure ou clé en main, allant du transport au recyclage des matières, selon des principes de conformité environnementale, de contrôle des coûts et de respect des règles de l’art en agronomie.

Nous sommes un acteur responsable issu du monde agricole. Nos clients sont des agriculteurs, et nos actionnaires et administrateurs sont principalement des coopératives agricoles. Ainsi, notre entreprise appartient à près de 19 000 agriculteurs québécois. Notre mission environnementale et nos valeurs d’entreprise visent à soutenir une économie verte, circulaire, sociale et durable. Nos activités permettent d’éviter annuellement l’émission de 170 000 tonnes de GES et présentent plusieurs autres bénéfices environnementaux, agronomiques et socioéconomiques.

D’entrée de jeu, nous souhaitons rappeler que les biosolides municipaux que nous proposons comme fertilisants agricoles proviennent tous du Québec, nous suivons rigoureusement le cadre réglementaire en vigueur et appliquons à la lettre les protocoles de contrôle-qualité prévus.

Nous avons par le passé démontré nos valeurs environnementales et sociales en refusant des opportunités d’affaires qui, bien que respectant les normes en vigueur, ne correspondent pas à nos standards de gouvernance. Ainsi, Viridis a pris la décision il y a de nombreuses années de ne pas importer des biosolides municipaux d’origine américaine.

Notre implication dans divers comités d’experts nationaux et forums internationaux, tout comme notre insistance auprès de votre ministère afin de soutenir l’actualisation de l’encadrement des contaminants d’intérêt émergents, dont les PFAS, démontrent l’importance de cet enjeu pour notre entreprise et pour notre industrie.

Nous réitérons notre collaboration afin d’accélérer l’avancement des connaissances scientifiques et la modernisation de la réglementation. Nous souhaitons également utiliser les forces motrices de cette crise pour contribuer au retrait à la source de ces molécules émergentes dans nos produits de consommation quotidienne. En restreindre l’utilisation à la source demeure la seule solution à long terme pour qu’elles ne se retrouvent pas dans l’environnement. C’est pourquoi à la suite de nos commentaires sur le projet de règlement qui est l’objet principal de ce mémoire, nous exposerons nos souhaits et nos demandes pour la suite du travail sur les enjeux déterminants pour la poursuite de nos opérations.

Dans un premier temps, nous tenons à souligner notre déception que l’épandage de toutes matières résiduelles fertilisantes (MRF) en provenance des États-Unis soit dorénavant proscrit alors que nos échanges avec le ministère de l’Environnement, de la Lutte aux changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) nous laissaient croire qu’il ne serait question que d’un moratoire. Cela est difficilement compréhensible de notre point de vue puisqu’aucune preuve scientifique ne semble soutenir
une telle décision.

Malheureusement, nous avons dû renoncer à importer les biosolides d’une papetière américaine exemptes de PFAS (preuve à l’appui) qui, plutôt que d’aider les producteurs agricoles à réduire l’utilisation de fertilisants chimiques et hausser le niveau de matière organique de leurs sols, émettront dorénavant des GES par leur enfouissement. Cela est déplorable dans la mesure où le « principe de précaution » ici prôné va causer davantage de tort à la population et aux producteurs qui subissent déjà
les effets des changements climatiques.

Par ailleurs, nous nous inquiétons pour la suite, alors que la décision du bannissement de l’épandage des boues américaines est présentée comme la réponse aux inquiétudes soulevées par les récents reportages. Par cette décision, le MELCCFP place la filière du recyclage en situation délicate face aux futurs résultats d’analyses ou de recherche en bannissant une matière dont la qualité a été prouvée. À cet égard, nous réitérons notre volonté de collaborer au comité que vous avez mis sur pied pour harmoniser l’interprétation des résultats et réfléchir ensemble aux prochaines actions à prendre.

Il faut souligner également que l’acceptabilité sociale des MRF était loin d’être acquise avant la récente crise médiatique. Au cours de nos 10 années d’opération, nous avons dû répondre à plusieurs vagues de questionnements populaires, allant des craintes non fondées comme celles liées récemment à la présence du virus de la COVID, aux préoccupations légitimes liées à la gestion des risques et aux contrôles-qualité des métaux lourds, des contaminants biologiques ou chimiques. Nous sommes d’avis que tous les acteurs impliqués dans la gestion des risques et la mitigation des impacts liés au recyclage des MRF devraient établir des mécanismes permettant de faire le suivi sur le long terme des enjeux actuels et futurs, avec autant de diligence que l’évolution des connaissances scientifiques le permettra.

De plus, lorsqu’il est question des « entreprises importatrices qui devront trouver d’autres marchés pour la valorisation de telles boues », on suppose qu’une diversification de nos activités est à la fois faisable et viable. Or, une telle supposition revient à ignorer que l’usage des MRF à d’autres fins que la fertilisation comporte des enjeux d’acceptabilité sociale équivalents, voire plus grands. La triste réalité est que la seule alternative « viable » à l’épandage est l’enfouissement. Or, si davantage de municipalités légifèrent
pour bloquer l’épandage de MRF sur leur territoire, certains sites d’enfouissement atteindront leur pleine capacité plus tôt que prévu, ce qui serait catastrophique sur le plan environnemental. Sans compter que la contamination de l’environnement par les PFAS est aussi un enjeu pour les sites d’enfouissement.

En absence d’assises scientifiques, légiférer sur les MRF à partir de leur acceptabilité sociale créée un précédent inquiétant de notre point de vue. Cela ouvre la porte à ce que l’État ne se mette dorénavant à interdire d’autres activités essentielles dans la chaîne de valeur agricole au Québec comme la fertilisation à partir de lisier. Sans compter que l’acceptabilité sociale est encore subjective et difficilement mesurable. La science doit toujours prévaloir sur la peur.

D’ici l’élaboration de normes réglementaires pour la gestion des PFAS et dans le cadre du présent projet de Règlement modifiant le Règlement sur les exploitations agricoles, nous réitérons, à l’instar de Réseau Environnement que des seuils temporaires devraient être établis.

À terme, nous souhaitons que le gouvernement précise les modalités d’échantillonnage et d’analyse, définisse les seuils acceptables et vulgarise auprès de la population les fondements scientifiques du recyclage agricole. La production des connaissances scientifiques sur la durée de vie et la dégradation des PFAS, leurs comportements à travers le cycle agricole, leur présence dans les alternatives fertilisantes, l’impact sur les activités agricoles de leur présence dans l’eau potable, les impacts cumulatifs… Le développement de ces connaissances est déterminant pour notre capacité à justifier nos choix collectifs et à en vulgariser les risques, deux conditions essentielles à la démarche d’acceptabilité sociale. Il est aussi indispensable à la poursuite de la réflexion sur la gestion responsable des MRF, une activité dont la société ne peut pas moins se passer que de gérer ses eaux usées.

Enfin, la traduction du Guide sur le recyclage des matières résiduelles fertilisantes sous forme de règlement devrait être réalisée en accordant une écoute de premier ordre aux différents acteurs de terrain (villes, usines, gestionnaires de MRF, et agriculteurs receveurs) afin d’actualiser les exigences en matière d’information et de sensibilisation du public. L’opérabilité de ces exigences et leur efficacité à remplir les objectifs d’information et de sensibilisation sont aussi des déterminants importants de l’acceptabilité sociale du recyclage des MRF, il en va de nos objectifs collectifs de gestion des matières résiduelles et de réduction des GES.

Nous vous remercions pour l’intérêt que vous accordez à nos propositions et vous prions d’agréer à l’expression de ma haute considération.

Michel St-Germain
Directeur-général adjoint
mstgermain@viridis-env.com

MSTG/gb